Météor : témoignage n° 1

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Tout a commencé dans un grand panier de linge que l'on venait de retirer de la corde où il pendait. Il se trouvait dans le grand débarras de la maison, une pièce que l'on appelait la grande salle, où j'avais l'habitude de venir les jeudis après-midi. En fouillant — Dieu sait pourquoi — parmi le linge dans l'espoir d'y trouver peut-être un trésor, j'avais 10 ans, je tombai sur une bande dessinée en mauvais état. C'était bien un trésor comme on le verra plus loin. Sa couverture montrait un astronaute aux prises avec une sorte d'hydre aux multiples gueules. Le titre ? Mytho, planète fabuleuse.

Sans plus attendre, je me mis à plat-ventre sur un vieux tapis et dévorai de tous mes yeux ce récit captivant. J'avais quelques idées sur la mythologie grecque, mais je retrouvai là les trois héros côtoyant tout naturellement Circé, Hercule, Vulcain (de loin) et consorts, leur prêtant du même coup une indiscutable réalité.

Malheureusement, la dernière page manquait, et il me fallut attendre quatre ans encore pour connaître la fin de l'histoire. Quel émerveillement !

Quelques mois plus tard, je découvris chez ma grand'mère, dans une armoire, Méfaits et bienfaits du bolide Alpha (n° 26). Là encore, je l'engloutis de la première à la dernière page et j'appris du même coup le sens du mot méfait et du mot nyctalope. Je me mis à acheter chaque mois ma dose de rêve au kiosque du coin ou plus loin, comme lorsque je dus parcourir à la marche huit kilomètres de plage, de Rothéneuf à St Malo, pour obtenir ce Météor, dont chaque pas me rapprochait.

La simple vue de la couverture était une promesse car toute l'histoire y était pour ainsi dire concentrée. Les dessins de couverture vous envoyaient tous un petit choc au creux de l'estomac; dès que j'entrais en possession du numéro, je m'étendais sous la table de la salle à manger — elle est encore chez moi, mais hélas mon gabarit ne me permet plus de le faire. Je m'étendais, dis-je, sous cette table, un bol de Banania à la main (dont ma collection porte encore la trace) et je me plongeais dans ma lecture, découvrant en même temps que les héros la nouvelle planète pleine de mystère qu'ils allaient explorer. J'y habitais plus, le temps de la lecture, que sur notre bonne vieille terre. Je m'identifiais totalement aux héros de mon album. Et aujourd'hui encore…

Tout d'abord, évidemment, Le Dr Spencer, qui sait tout et semble tout voir de haut et de loin. Il sait ce qu'il faut penser, trouve en un temps record toutes les solutions, jugule les maladies les plus soudaines, les plus bizarres et les plus meurtrières grâce à ses vaccins qu'il met au point en moins d'une demi-page.

Scientifique, bien sûr, mais il est aussi un exemple, un roc moral, la rectitude faite homme, incapable qu'il est de la moindre bassesse. On peut lui faire violence physiquement, mais il domine malgré tout. Et avec toute sa science et sa douceur, il est loin d'être un gringalet ! Bien bâti, robuste, équilibré, il en impose, avec ses tempes argentées. Pour un enfant, quel père idéal !

Quant à Texas, c'est bien entendu la force physique incarnée qu'il faut réfréner à l'occasion. C'est la joie de vivre. Bon vivant, défenseur de la veuve et de l'orphelin (n° 24, 25, 48). Il jouit d'une santé de fer et d'un appétit féroce. C'est le bras séculier de Spencer. Les seuls moments où sa bonne humeur le quitte sont ceux où il prend conscience de ses lacunes (n° 2142) face à ses deux compagnons.

Spade, enfin, discret, brillant second, aux dires d'Ugol le conquérant (n° 42). Il modère souvent les transports de Texas et il est le parfait interprète de la volonté de Spencer.

Vers l'âge de 11 ans, je me suis avisé que ma collection ne commençait qu'au numéro 15 et que les numéros 17, 18, 19 et quelques autres me manquaient encore. J'ai donc fait envoyer par ma mère un chèque, ou plutôt un mandat-poste, à l'époque, à Artima pour compléter ma collection en donnant mon adresse de vacances. Et un beau matin, moment sublime, le paquet attendu était là sur la petite table où l'on mettait le courrier. S'agissait-il bien de mes Météors ? Mais oui ! Du numéro 1 (Les Conquérants de l'Espace) au numéro 14 (Aventure en Kroscopie) plus quelques autres numéros, flambant neufs, les couvertures glacées et fleurant bon l'encre d'imprimerie.

Je renonce à décrire le bonheur de découvrir d'un seul coup vingt Météors ! Non, M. Giordan, votre labeur n'aura pas été vain quand il n'aurait fait qu'un seul heureux, votre serviteur !

Plus tard, je perdis le n° 17 (Alerte sur Pluton) et le n° 30 (La planète des Amphibies). J'en ai rêvé pendant vingt ans jusqu'au jour où j'ai pu me les procurer de nouveau.

Et aujourd'hui, à 59 ans, que me reste-t-il de ces Météors ? Un certain optimisme et une soif d'en savoir autant que le Dr Spencer dont je suis devenu un modeste confrère. Quoi d'autre ? La faculté de mémoriser n'importe quel nombre de 1 à 80 en visualisant la couverture du Météor correspondant…

Merci, M. Giordan.

Frédéric Lerich, décembre 2005

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Météor 15
Météor 15 - août 1954

Météor 26
Météor 26 - juin 1955

Météor 42
Météor 42 - octobre 1956

 

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