Météor : témoignage n° 2

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Je n'avais pas encore 12 ans, lorsque, probablement attiré par sa couverture, j'ai acheté mon premier fascicule de Météor. C'était, si je me souviens bien, le n° 38 : Révolte sur Héraclos.

Le peu d'argent de poche dont je disposais, je l'ai consacré à partir de cette époque à l'achat de cet illustré, mais aussi de Cosmos et Atome-Kid, tous trois à la fois si semblables d'aspect et si différents d'univers.

Mon préféré, c'était Météor. Je l'achetais chez un tout petit marchand de journaux, rue Saint-Benoît à Paris, juste à côté de Saint-Germain-des-Près, à quelques centaines de mètre du domicile de mes parents, sur le chemin de retour du lycée Montaigne. Il n'y était pas toujours. Je devais alors faire les autres marchands de journaux du quartier. C'était un immense bonheur d'en découvrir chaque mois la couverture. "Mon" Météor, je le ramenais précieusement à la maison, pour aussitôt le dévorer, réfugié dans ma tour d'ivoire.

J'ai essayé d'obtenir chez Artima les numéros précédents. Hélas il me fut répondu qu'ils étaient épuisés. Seuls les n° 22, 33, 34 et 37 me furent expédiés. Reçus lors des vacances d'été 1957, ils étaient livrés, si ma mémoire est bonne, dans une enveloppe kraft que je considérais comme tombée du ciel, magique, car contenant 4 numéros d'un coup. En décembre 1957, par chance, le n° 1 de Météor, que je n'avais jamais vu, était réédité dans Spoutnik. Inutile de préciser que j'achetai tous les numéros suivants.

Je ne comprenais pas toutefois, pourquoi le dessin me semblait moins… "bon". Raoul Giordan entre temps avait fait des progrès.

Mes Météor, je les ai lus et relus, surtout pendant les vacances. J'en dessinais mêmes les personnages !

En ayant déjà un qui faisait bien l'affaire, je ne considérais pas Spencer comme un père. J'admirais simplement cet homme "universel" qui connaissait tout, sans en faire étalage, dont la droiture, au service des "Nations Unies", pouvait être un exemple. C'était "le chef". Spade, réservé, représentait à mes yeux le sérieux, la conscience professionnelle. On pouvait compter sur lui. Texas, le généreux, l'impétueux, le gaffeur, mais aussi le bon camarade, et toujours amoureux au passage d'une jolie fille, me montrait qu'un adulte pouvait être aussi ainsi.

Et puis il y avait les trop rares personnages féminins qui me faisaient rêver. Enfin, les aventures, les galaxies, les planètes explorées et leurs curieux habitants… J'admirais l'architecture de villes futuristes. Plus tard je découvris qu'il y aurait été bien triste d'y vivre.

Space Girl… fut un moyen d'évasion ! Vers l'âge de 14 ans, je fis connaissance, durant des vacances passées à proximité de Bourges, du fils de l'épicier d'en face, lui aussi fan de Météor ! Il avait "reconstitué" dans le grenier l'intérieur de la fusée ! Merveilleuses vacances en sa compagnie au milieu de cloisons de planches récupérées, de voyants lumineux qui clignotaient, de cadrans, de manettes et autres leviers. Je n'osais rien toucher du tableau de bord, de peur d'entendre les réacteurs se mettre en marche !

Même si mon père, avec raison, me disait, en me voyant plongé dans ces lectures, "Tu perds ton temps…", je n'ai jamais regretté ce temps de l'enfance où il n'y avait pas encore de télévision, de transistor et autres jeux électroniques. Les couvertures des Météor passés entre mes mains sont toutes restées gravées profondément dans ma mémoire, dans la case "bonheur".

Mon dernier Météor acheté fut le n° 75. Conservant précieusement mes ARTIMA dans une petite valise, je n'ai jamais su ce qu'ils étaient devenus, probablement dispersés au déménagement de mes parents.

A la fin des années 70, alors que j'étais affecté en Allemagne, je trouvai chez un brocanteur, à proximité de la cathédrale de Strasbourg, une dizaine de vieux Météor que je m'empressai d'acheter. Depuis ce jour, petit à petit, lorsque l'occasion se présentait, j'ai reconstitué en partie la collection.

J'ai réalisé que le cercle pouvait parfaitement se boucler, le jour où j'ai fait la connaissance de Raoul Giordan (RG) et surtout lorsqu'il m'a dit qu'il vendait un dessin de couverture. C'était celui du n° 45, Le Domino Volant, l'un de mes préférés. Je n'aurais jamais imaginé ce périple dans mon enfance.

Météor a-t-il eu une incidence sur ma carrière ? probablement. Je me suis intéressé un peu à tout, comme le bon docteur. J'ai été sérieux quand il le fallait, comme Spade. Je ne me suis parfois pas pris au sérieux, et me suis retourné au passage de jolies femmes, comme Texas.

Jamais rien ne pourra compenser l'immense bonheur apporté dans mon enfance par la lecture de Météor. Par chance, la vie a laissé la possibilité à de petits garçons devenus vieux, d'exprimer à Raoul Giordan leur immense reconnaissance.

Jacques Merlin, décembre 2005

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Météor 38
Météor 38 - juillet 1956

Space Girl et Texas - Jacques Merlin
Dessin de Jacques Merlin - novembre 1958

Spage Girl d'après R.R. Giordan - Jacques Merlin
Dessin de Jacques Merlin - novembre 1959
 

Enveloppe Artima des années 50
Enveloppe Kraft contenant les fascicules commandés et envoyée par Artima : c'était magique !
 
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